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6 novembre 2012 2 06 /11 /novembre /2012 04:10
Un de nos correspondants, signant ses articles sous le pseudonyme Jacques de Molay, a recensé les glacières d'Arles et des alentours; ce travail de recherche sera publié prochainement sur notre site ....
Comme vous le jugerez à la lecture, ce travail de recherches fut laborieux car imposant, détaillé et  brillant.
La ville d'Arles a donc eut elle aussi ses glacières ; tout particulièrement l'abbaye de Montmajour, qui en avait plusieurs, et dont les modèles architecturaux servirent probablement à la construction des glacières de la ville d'Arles.
« …lachep de ladite glace mise ou a mettre dans les glacières qui sont au prieuré de Montmajour… »
A M A DD 8
P 388
1672
« …le 14 novembre payé a un espres envoyé a montmajour, pour voir leurs glacières… »
« …Monsieur le trésorier, vous mettrez en despense 24 sols donés a Mathieu sergent de ville pour être allé a Montmajour pour voir par nos ordres leurs glacières… »
A M A CC 758
1730
 
Au muséum Arlaten, une vue cavalière de 1684, indique au n°15 en haut à droite, du donjon de Montmajour, une GLACIALE TRIGURIOLUM, ce qui désigne une cabane pour la glace.
Probablement trop petite, une autre glacière située au pied du donjon a certainement été creusée dans la roche (6 m de diamètre x 6m de profondeur ) et devait être, à l’époque de son utilisation, très bien situé à l’ombre.
Actuellement, on la désigne comme ayant été une citerne, ce qui est probable mais sans doute postérieurement à la glacière.
Dans un autre document, on parle aussi de glacière (au pluriel), mais a ce jour, une seule a put être localisée.
 
montmajour-glaciere-001.jpg
Glacière au pied du donjon
 jardins-montmajour-001.jpg
 La glacière-citerne au n°18
LES ORIGINES
 
 Au XVIIème siècle, cela pose bien des problèmes pour se procurer de la glace au coeur de l'été, période durant laquelle elle est vendue fort cher. Le ramassage, la conservation, le transport et la vente nécessitent des techniques adaptées à son caractère essentiellement périssable.
Dans la ville de Marseille, l’été de 1642 est considéré comme l'un des plus chauds du siècle. L'hygiène dans les rues étant déplorable, la vie y est bien difficile.
 
     

Le travail de la glace

 

 

La glace dite "naturelle" récoltée en montagne sera présente sur tous les étals jusque dans les années 1920 - 1930, ayant eu une clientèle inconditionnelle.
Mais au début du XIXè s., le développement du chemin de fer permit à la glace naturelle des Alpes de venir concurrencer les glacières de la région. Un peu plus tard, ce fut au tour de la glace industrielle. Elle sonna le glas de la glace naturelle qui résista avec force avant de succomber.

 

En principe, la glace était récoltée sur place :

 

- Le travail d'hiver: les gelées survenant ordinairement la nuit, le travail s'effectuait de jour. La collecte de la glace se faisait principalement dans des bassins de congélation d'une profondeur de 15 à 20 cm. A la faveur des nuits froides et des vents secs soufflant en bordure de ces bassins, l'eau se transformait en glace. Il ne fallait pas moins de deux à quatre gelées pour remplir convenablement ces bassins dont l'eau était acheminée depuis des ressources d'eau alentours (ruisseaux, marais etc...).
La glace, une fois formée, était sciée en morceaux, acheminée dans des conteneurs de toutes sortes vers le puits, à dos d'homme, avec des bêtes ou des wagonnets sur rails. Pour finir, elle était ensuite basculée dans la glacière au moyen de cordes et poulies.

- Le travail d'été : la glacière connait une autre activité. Pour des raisons évidentes, c'était une activité de fin de journée et de nuit, l'objectif étant de profiter d'un maximum de fraîcheur au cours du tranport.
La demande et donc la consommation débutent début mai, variable selon les conditions climatiques.
Les triples portes calfeutrées de paille sont ouvertes. L'on change la paille pourrie et mouillée de dessus le "chapeau", nettoyant et régularisant la surface du bloc de glace. La récolte s'effectue ensuite en brisant et découpant la glace à l'aide d'un ciseau en acier, puis pelletée et tassée dans des moules de forme cylindrique hissés au moyen de poulies jusqu'aux ouvertures de la glacière.
Les pains étaient ensuite démoulés et chargés sur des charrettes pour être acheminés vers les points de vente des villes.
A chaque extraction, l'on recouvrait de paille la surface de la glace réduisant ainsi les pertes dues à la fonte.

 

 

 

 

 

     
 
  L'EXEMPLE DE LA REGION DE MARSEILLE 
 
Dans la ville et autour de Marseille, il y en avait au moins une trentaine qui se situaient sur différents sites :
- L'hubac de la Chaîne de l'Etoile : Mimet (1686), Château de Mimet (1670), Fabrégoule (1668), Simiane Collongue (1700), Le Pin (1686).
- L'Est de l'étang de Berre : Vitrolles (1663), Le Griffon (1680), Le Logis du Repos (1680), Marignane (1673), Saint Victoret, Lançon.
- Le ruisseau des Aygalades, le Cavavelle : La Bédoule (1671), Sainte Marthe (1656), Les Baumes de Saint Antoine (1665), Les Gallades-Frême Morte (1665), Saint Joseph (1670), Servière (1670), Saint Jérôme 1 (1659), Saint Jérôme 2 (1661).
- Le ruisseau de l'Evêque : Saint Lazare-Camp de l'Evêque (1665), Le Gros Horloge (1665), Rue des Isnard (1665).
- Les bords du Jarret et le vallon de l'Huveaune : Plaine Saint Michel (1660), Chemin de la Magdeleine (1680), Notre-Dame du mont (1686), Quartier de la Loube (1690), Saint Loup (1689), Pont de Joux-Auriol (1700), Les Encaneaux-Auriol (1698), Auriol Village (1702).

ARCHITECTURE DE LA GLACIERE DE PROVENCE
 
 
Une technique ancestrale - Le principe de fabrication n'était pas très sorcier. Le plus dur était de trouver l'endroit adéquat pour installer les bassins de congélation et pour construire les immenses réservoirs que sont les glacières. Il fallait en effet que le site se trouve à proximité de sources, qu'il soit le plus possible à l'abri du soleil, et qu'il bénéficie d'un courant d'air frais (principalement le Mistral)..

De préférence adossée à un terrain pentu, présentant une terre suffisamment compacte pour éviter les éboulements et les infiltrations d'eau pluviales, le puits était creusé puis construit en blocs de pierres grossièrement équarris, mais ajustés à la perfection et liés au mortier de chaux. L'intérieur est enduit d'un crépi sur toute sa surface.

Surmonté d'une voûte en coupole, le toit est constitué de deux couches de pierres sèches, plates, séparées par deux couches de terre ou de sable.
En finition, des tuiles creuses sont posées sans aucune charpente.

Les ouvertures dans les parois verticales étaient limitées à une ou deux bouches d'aération et de lumière. Une bouche de chargement à hauteur des bassins de congélation permettait le remplissage du puits. Au niveau du sol extérieur et à mi-hauteur du puits, une autre bouche de chargement située côté Nord, plus grande que la précédente, est doublée ou même triplée dans l'épaisseur de la paroi afin d'éviter les transferts de chaleur et de lumière vers l'intérieur. L'espace ainsi laissé était bourré de paille, renforçant l'isolation thermique. Dans certaines glacières la bouche ne s'ouvre pas directement sur l'extérieur, constituant ainsi un sas semi-tempéré.

La partie inférieure du puits de glace est le plus souvent constituée de grosses caillasses, lesquelles sont recouvertes d'un caillebotis fait de troncs d'arbres (principalement des ifs), alignés les uns contre les autres. Une couche de branchages vient assurer la finition de l'ensemble réutilisable plusieurs années. Enfin, une épaisse couche de paille est étalée, le fond est prêt à recevoir la glace qui sera compactée et étalée par couches ou charges successives d'environ un pan d'épaisseur.
De temps en temps l'on envoie de l'eau pour solidifier l'ensemble. Le lit de glace bien battu et homogène recevra ensuite d'autres charges pour finalement former un énorme bloc compact.
L'on notera que pour éviter au maximum les pertes de froid, toute la périphérie des parois du puits était garnie de paille ou d'autres matières isolantes (feuilles, fougères, etc.), au fur et à mesure que montait la masse gelée.
Le chargement terminé, un "chapeau" destiné à coiffer l'ensemble était confectionné par de la glace parfaitement lissée. Enfin, l'espace restant entre chapeau et voûte était remplit de paille, les ouvertures étaient scellées.
La description interne du puits ne serait pas complète si mention d'un canal d'évacuation des eaux de ruissellement n'y était faite.
Sous le caillebotis préalablement confectionné, l'évacuation s'effectue entre les grosses pierres, l'eau étant collectée par un canal débouchant à l'air libre, en contrebas du terrain. Cette eau provient en partie de la fusion de la glace (inévitable) ainsi que du nettoyage précédant le remplissage.
Un texte découvert dans les archives paroissiales de Sainte-Marthe (Marseille) par le chercheur Gilles Milhière donne la synthèse des éléments indispensables à sa réalisation (ci-après la reproduction littérale) :
 
"Mémoire pour faire une glacière"
- Premièrement faut avoir un lieu pour faire la glacière propre c'est à dire quy soit à un endoit que ne soit point dominé à cause que les eaux pluviales ne lui puissent pas entrer dedans car si cela arrice la glacière ne vaudra rien.
- Pour une glacière de 2000 quintals (1) faut la faire de vingt sept à vingt huit pans (2) profondeur. Faut quelle aye en haut au plan de la porte vingt trois pans large franc d'oeuvre.
- Au fond de la glacière faut qu'elle aye aussy quatorze ou quinze pans largeur aussy franc d'oeuvre.
- Faire la porte ou du côté mistral ou de la montagnière à cause que se sont les deux vents les plus frais.
-- Par ainsi l'ouvrier qui la fera prendra ses mesures de la restraindre de quatre pans par chaque canne (3) en ôtant la terre ou en fesant la massonerie.
- Si la faire à cape de four (4) faut que l'ouvrier fasse les batayos (5) plus épaisses que sy la faites faire avec des saumies (6) c'est la connaissance de l'ouvrier.
- Pour le couvert sy lon met des tuilles faudrait luy mettre des tuilles nié (7) à cause que le gel et le degel les brisent tous est estant come je dis nié avec du mortie mêlé avec du platre que les tuilles ne soit point en dure beaucoup davantage.


   
(1) 2000quintals = 80 tonnes
(2) pan = 25 cm --> 28 pans = 7 mètres
(3) canne = 2 mètres
(4) cape de four = voûte
(5) butayos = contrefort, butée
(6) saumies = poutres
(7) nié = rayé
 
 
 
 
    A bientôt pour les glacières d'Arles et de ses mas.... 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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