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12 janvier 2010 2 12 /01 /janvier /2010 06:53


Pour tous les immigrés, la Camargue a toujours été une sorte de terre d'exil et de peines. Mon propre grand-père, chassé d'Espagne par la famine, y a laissé sa vie.. Non pas dans les rizières ou dans les marais salants, mais tout simplement aux Papeteries Etienne, usine où il travaillait dans des conditions déplorables. Arrivé d'Andalousie en 1936 et dépourvu de vêtements chauds, travaillant en plein hiver alternativement à la vapeur et à l'extérieur, il fut victime d'une pneumonie...
C'est trés bien d'avoir osé parler des indochinois, celà va nous permettre d'aller plus loin dans l'Histoire... Car il est vrai que cette attitude esclavagiste (les gens polis disent "colonialiste") des différents gouvernements de la France fut quasi permanente depuis Napoléon III.
Pour la Camargue tout commence semble - t - il, lors de la colonisation de l'Algérie... Mais ce n'est pas tout à fait exact, voir notre article sur l'esclavage à Arles... 
Nous savons que dans les années 1860, de trés nombreux opposants algériens, à la politique de colonisation, furent envoyés dans une sorte de bagne local, où ils servirent entre autres à une main d'oeuvre gratuite, au bénéfice d'industriels locaux peu scrupuleux .... Les opposants français quant à eux, suite aux mutineries de 1851, étaient expédiés en Algérie... !
Nous savons que ce bagne local se trouvait aux anciens Salins du Relais, alias la Tour de la Roque, sorte de "bout du monde" perdu entre  Fos/mer et Port Saint Louis du Rhône.
Ces prisonniers politiques étaient employés à divers travaux dont l'exploitation du sel, l'expédition de briques et de tuiles rouges vers l'Algérie, la traction des chalands sur le canal d'Arles à Bouc, le curage et l'entretien de ce même canal... La grande majorité de ces hommes est décédée sur place, victime du paludisme... Où sont-ils enterrés, nul ne le sait ; d'ailleurs, on ne sait presque rien de cette triste époque... Et les archives judiciaires qui pourraient nous éclairer ont certainement disparues... Prudence oblige ! A preuve, ce témoignage de l'actuel gardien, ancien officier de l'Armée, qui nous disait que " lors de la destruction du château, nous avons brûlé des caisses... Je me souviens, il y avait même des manuscrits signés de Saint Louis..." 
L'architecture locale pourrait éventuellement parler :
-  Des cages pour chiens, qui existent toujours. 
- L'ancien château, ancien relais de poste, ancienne Tour du Rhône qui a été démembré dans les années 1970, par le Port Autonome de Marseille... Dans les caves duquel, des anciens habitants du lieu y ont vu des chaînes et des bracelets de fer...
L'Histoire de ce lieu et de ses occupants reste à faire... Tout çà pour dire que pour avoir de la main d'oeuvre gratuite, le pays des Droits de l'Homme, n'en est pas à son coup d'essai...
De fait, plus proche de notre époque, la venue des Indochinois nous permet de faire ressortir l'attitude esclavagiste, de fait quasi permanente au travers de l'Histoire post - révolutionnaire, de l'Etat Français.

LES CONDITIONS DE VIE DES INDOCHINOIS

     
Ce sont ces baraquements de fortune, en forme de serres, qui abritèrent les travailleurs indochinois de la Poudrerie, des salins, de Péchiney ... etc...                                                    
                                                                                              

 Cf : "Ces travailleurs indochinois qui façonnèrent la Camargue" par Agathe Westendorp, La Provence du 19 octobre 2009 : 


" Les trois frères, Richard, Claude et Fabrice Trinh arpentent les fondations des anciens baraquements des travailleurs indochinois de Faraman. Comme jadis quand ils étaient mômes et que leur père était revenu en Camargue. Cette fois en homme libre. Car M. Trinh, le père, a d’abord été réquisitionné parmi les 20000 travailleurs indochinois amenés en France dès 1939 pour participer à l’effort de guerre et loués comme main-d’oeuvre. "Notre père est arrivé en 1940 à 24 ans d’abord à Marseille puis à Saint-Chamas et enfin à Salin en 1941", raconte au milieu des saladelles Richard, "le grand frère".

Si certains, comme le rappelle l’écrivain et journaliste Pierre Daum dans son ouvrage Immigrés de force, les travailleurs indochinois en France, furent envoyés sur les rizières pour apporter leur savoir faire et créer "le riz camarguais tel qu’on le connaît aujourd’hui", d’autres travaillèrent dans l’exploitation du sel. "Notre père, lui, s’occupait du côté administratif et habitait aussi dans les baraquements que l’on voit encore à Faraman". Des conditions de vie difficiles où perce pourtant un rayon de soleil. Leur père rencontre leur future mère, la fille du métayer, employée à nourrir les ouvriers des salins. Après un aller-retour à Fréjus en 1942, affecté à la construction du mur de la Méditerranée, et la naissance de Richard, le couple Trinh revient à Salin en 1946, après avoir obtenu la levée de réquisition et s’y marie. "Comme M. Trinh, un millier d’ex-travailleurs indochinois sont restés en France quand les autres ont été rapatriés jusqu’en 1952", note Pierre Daum. Les trois frères de retour en Camargue grandissent à Faraman. "Il y avait au moins 40 familles, italienne, espagnole… Pour nous, c’était l’ambiance de la guerre des boutons ! On allait à Beauduc, on pêchait, on laissait échapper les taureaux, les chevaux, on se baignait dans les roubines, c’était la liberté". Leur père évoque peu les années de guerre : "Il ne voulait pas que son passé ni sa race ne prédominent sur notre destinée. Et même si on faisait la fête du Têt, on n’a pas appris à parler vietnamien. Nous n’étions pas déchirés entre deux cultures, même si petits on nous a parfois traités de “mangeurs de chats”. Dès 58, la famille retourne à Salin. C’est ici que notre père a été enterré selon la coutume vietnamienne", souffle Claude. A Faraman City comme l’indique le panneau, les souvenirs affluent devant la maison du grand-père ou même de celle de leur enfance. Richard, Claude et Fabrice, les trois Camarguais ne transmettent que la mémoire de leurs ancêtres dont certains – quelques centaines – façonnèrent la Camargue actuelle à travers ses rizières ou donnèrent un sacré coup de main pour la production de sel. Et pour les trois frères, l’hommage viendrait à point, en toute simplicité. Pour que les souvenirs ne s’envolent pas".


Les logements des Indochinois à Salins de Giraud : 

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On se doute bien que les conditions de vie y étaient déplorables....  

"Le logement des Travailleurs Indigènes, dit l'Instruction de 1934 (art. 92), est assurée par l'Etat". Il pouvait l'être soit directement, soit,  par l'intermédiaire des employeurs.

Le Service de la M.O.I. (main d'oeuvre immigrée) n'était pas propriétaire de lieux de cantonnement. C'est donc d'autres départements ministériels qui assumaient l'obligation de l'Etat lorsque celle-ci n'était pas "sous-traitée" aux employeurs.
Près des arsenaux et poudreries c'est en général le Ministère de la Guerre qui mettait des "camps", à disposition des compagnies (comme ce fut le cas à Salins de Giraud).
Quelquefois des casernes assumaient ce rôle, ainsi à Privas, Grenoble ou Antibes. De son côté, le Ministère de l'Intérieur logeaient quelques compagnies dans des cantonnements établis pour les sinistrés, les réfugiés ou pour la concentration de certains suspects (Rivesaltes ou Agde, par exemple).

Concernant les employeurs, cette obligation fut remplie de manière variable du point de vue qualité. Ces lieux de cantonnement, appelés d'une façon générale "camps", pouvaient être des entrepôts, des usines désaffectées, des groupes de baraques, etc...  Ces locaux étaient meublés pour le moins succintement. Les Travailleurs ne perçurent que très rarement des armoires et devaient disposer leur paquetage sur des planches fixées à la tête de leur lit. Le matériel de couchage (isolateur, paillasse), ne fut quasiment pas renouvelé et les hommes durent le plus souvent se coucher sur des planches et ne devoir qu'à eux-mêmes la plus petite amélioration.

L'HABILLEMENT :

Selon l'article 109 de l'Instruction de 1934, "L'habillement est fourni aux travailleurs indigènes coloniaux à titre gratuit",

Les O.N.S. avaient reçu des effets d'habillement lors de leur départ et ceux-ci avaient été complétés, en particulier de vêtements chauds, lors de leur arrivée. Le Service de la M.O.I. ne fut pas en mesure de fournir par la suite les minimas prévus en rechange et ce problème ne fut pas résolu de façon satisfaisante avant 1945.

"Pour les chaussures, ils les utilisaient le moins possible en confectionnant des "ngôc", sorte de semelle de bois munie d'une courroie de cuir ou de toile... Dans de vieilles enveloppes de paillasses, ils se confectionnaient des pantalons de travail.... Par ces expédients, les travailleurs conservaient pour leurs sorties une tenue présentable."

Une inspection faite dans toutes les légions en juin 1945, lors du rattachement aux Ministère des Colonies permit de constater:

"que les besoins des Travailleurs Indochinois étaient extrêmement urgents, certains d'entre eux n'ayant rien perçu depuis leur débarquement en France" . La situation était telle qu'en octobre 1945, la D.T.I. se vit accorder le bénéfice de la superpriorité, au même titre que les Houillères".

L'ALIMENTATION :


La situation en matière d'alimentation ne semble pas avoir été aussi dramatique que celle de l'habillement. Elle n'en fut pas pour autant satisfaisante.

Les témoignages sont nombreux qui mentionnent la nécessité pour les Travailleurs Indochinois de trouver par eux mêmes un complément alimentaire aux rations procurées par l'Ordinaire (achat auprès de l'Intendance, de l'O.C.A.D.O., Office Central d'Achat des Denrées Ordinaires, ou auprès de fournisseurs locaux

LES REMUNERATIONS :

Le système global de dédomagement-rémunération des Travailleurs Indochinois comprenait :

- Des sommes versées aux Travailleurs :

. une prime de travail, en général un pourcentage du prix facturé à l'employeur, augmentée le cas échéant de primes de rendement ou d'heures supplémentaires. Dans une première période de 1939 à 1944, l'objectif de la M.O.I. était d'assurer son équilibre financier. La part qui revenait directement au Travailleur était le résultat d'un calcul où la notion de collectivité primait. Cette part représentait au maximum 25%. Après la Libération, suivant ainsi les mesures de remise à niveau des conditions de vie des Travailleurs, leur régime fut assimilé à celui des travailleurs français et chaque travailleur fut considéré individuellement. L'Etat ne conservait plus que 50% de la somme demandée aux employeurs. En cas d'inactivité, les Travailleurs touchaient une prime de chômage.

. une allocation journalière pour toute journée de présence, variable selon les grades,

. un pécule, somme "réservée" aux Travailleurs, proportionnelle au temps passé en Métropole et qui devait lui être versée à son retour en Indochine. Ce pécule variera de 0,50 à 2,00 francs par jour.

- Une allocation versée aux Travailleurs ayant charge de famille à leur recrutement :

Remarquons tout d'abord que l'existence même de cette allocation démontre que parmi les requis un nombre non négligeable d'entre eux étaient pères de famille.

Donc la conjointe d'un requis recevait durant l'absence de celui-ci une allocation de base complétée selon le nombre d'enfants du couple. L' allocation de base variera de 3 piastres à 16 piastres par mois et le complément par enfant de 0,30 à 2 piastres par mois.

Si la réalité des versements faits en France aux Travailleurs ne peut être remise en cause, des questions se posent concernant la réalité des versements des allocations aux familles en Indochine, du moins après 1945. En effet, à leur retour de nombreux Travailleurs ont émis des réclamations et nous avons retrouvé un courrier du Haut-Commissaire Léon Pignon du 5/07/1949 au Commissaire pour la République pour l'Annam qui aborde le sujet :

"Si en effet, l'Administration est hors d'état de prouver que les allocations ont été payées postérieurement au 1er avril 1945, il est bien évident qu'elles restent dues à partir de cette date."

Parallèlement, les Travailleurs étaient incités à épargner. Il s'agissait d'une épargne obligatoire instituée en 1942 par la création du Compte-dépôt piastres. Il était alimenté par un prélèvement sur les sommes dues au Travailleur. Rapidement, en 1943, il devint facultatif. Il nous est donné à penser que seule une minorité des Travailleurs pouvait raisonnablement se voir privée, pour ses besoins immédiats, d'une partie de ses revenus. Cette formule fut modifiée par la suite, le compte dépôt piastres devenant un compte dépôt francs à la Banque de l'Indochine en France suite aux difficultés de communication avec la Colonie. Le Travailleur devait se voir rembourser les sommes déposées et les intérêts lors de son départ de France. Après une période de relatif succès, l'épargne au moyen de ce compte bloqué fut peu à peu abandonnée par les Travailleurs qui préféraient ouvrir un livret d'épargne classique et pouvoir ainsi retirer des sommes à leur convenance.


LA SANTE:

L'état de santé des Travailleurs Indochinois fut bon dans la première partie de leur travail en France, jusqu'à l'Armistice. Mais dès la fin de 1940, par suite de la dégradation des conditions matérielles dont nous venons de parler, associée à l'éxécution de travaux plus pénibles et insalubres, cet état de santé s'aggrava, en particulier sur le plan pulmonaire.

Le grand ennemi des Travailleurs Indochinois en France fut en effet la tuberculose. Près de 40% des Travailleurs décédés en France sont morts de tuberculose pulmonaire.

Avant 1945, les Travailleurs n'étaient en principe pas admis dans les hôpitaux civils de la région d'emploi mais regroupés à Marseille dans un hôpital appelé Le Dantec, créé dans une partie de la prison des Baumettes. Cet établissement avait une sinistre réputation parmi les Travailleurs que certains qualifiait de "mouroir des Indochinois". Ceux-ci n'eurent cesse de réclamer l'amélioration du système d'hospitalisation. Ils obtinrent la fermeture de l'hôpital Le Dantec, les blessés et malades eurent enfin accès aux hôpitaux militaires, les tuberculeux étant regroupés à l'Hôpital Colonial de Pierrefeu.

 

LA DISCIPLINE:

Il nous semble important de dire quelques mots sur cet aspect du quotidien des Travailleurs Indochinois.

Les travailleurs indochinois venus en France étaient des civils. S'ils furent constitués en Unités encadrées, c'est parce que c'était "la seule formule propre à assurer une saine administration et une protection efficace de ces hommes placés soudain dans des conditions de vie totalement différentes de celles auxquelles ils étaient habitués, et ignorant tout de notre pays, à commencer par la langue française"
Cette formule exigeait cependant une certaine discipline. Les travailleurs devaient rentrer dans les cantonnements aux heures fixées, y observer l'ordre et les règlements édictés pour la bonne tenue et l'hygiène, ils devaient être conduits en ordre sur les lieux du travail ; il leur était interdit de découcher et de se livrer à des jeux d'argent ; pour faire régner la discipline et observer les règlementations, le commandement pouvait infliger une série de punitions, isolement simple (salle de police), isolement spécial (prison), envoi à la section de classement ou à la compagnie de discipline, rétrogradation, cassation, etc….

L'Instruction de 1934 avait prescrit un régime disciplinaire assez sévère, proche de celui de l'armée, pour les travailleurs coloniaux civils encadrés.
Après la Libération, le Gouvernement mit l'accent sur leur caractère de travailleurs civils, et, tout en maintenant une certaine discipline indispensable à toute collectivité encadrée, adoucit considérablement la réglementation en la matière.Toutes les mesures de commandement furent désormais prises après consultation de comités élus par les travailleurs à tous les échelons de la hiérarchie ;la défense des travailleurs put être légalement prise par les organismes syndicaux auxquels les Indochinois purent librement adhérer; les règles de discipline furent adoucies et les sanctions privatives de liberté furent supprimées ; enfin les travailleurs qui le désiraient purent obtenir, sous certaines conditions, la liberté absolue grâce à la levée de réquisition, qui les assimilait très exactement, en droits et en obligations, aux ouvriers français.
La Compagnie, devenait pour le travailleur indochinois, un foyer où il n'était soumis à aucune obligation autre que celle d'accomplir ponctuellement le travail qu'avaient accepté en son nom ses délégués auprès du Commandant et ses délégués syndicaux, et celle de ne pas troubler l'ordre dans les cantonnements, les ateliers et les chantiers.


"Aux Salins de Giraud et du Relais, deux, puis quatre compagnies firent plusieurs récoltes du sel, dans des conditions de vie extrêmement pénibles.,L’été, le soleil produisait une réverbération intense sur les collines de sel d’un blanc immaculé ; nul travailleur ne perçut les lunettes noires indispensables sur les salines à cette saison. L’hiver, le vent glacial soufflait librement à travers la plaine de Camargue, perçant les vêtements les plus chauds ; mais le travail continuait quand même, et l’employeur ne se résolut jamais à doter les Indochinois des bottes en caoutchouc qu’il avait en magasin et que tous les travailleurs européens de l’usine avaient reçues. Le travail continuait dans l’eau glaciale où il fallait patauger toute la journée. Les rapports indignés des commandants de compagnie se succédèrent pendant deux années, mais les trois dernières compagnies ne furent soustraites à cette malheureuse vie qu’en décembre 1943.

Un petit cimetière commémore le passage des Indochinois aux salines de la société Péchiney.

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